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Histoire des Tentes rouges

Les Tentes rouges peuvent paraître comme étant phénomène récent dans notre histoire et pratique, mais ce n’est pas du tout le cas puisque les femmes avaient coutume de se retrouver entre elles dans un espace qui leur était réservé lorsqu’elles étaient menstruées et on nomme aujourd’hui cet endroit Tente rouge. Si vous vous demandez comment toutes les femmes d’une même communauté pouvaient se retrouver sous la Tente, c’est parce qu’elles saignaient toutes à la même période, sois la nouvelle lune. La Tente rouge ne servait pas uniquement que pendant les menstruations, puisque c’est aussi à cet endroit que l’on pratiquait les accouchements et tout autre rite féminin. Dans les sociétés occidentales, on a longtemps perdu la trace d’une telle pratique, les menstruations se teintant au fil des siècles d’un vernis de honte, de douleurs et de dédain pour tout ce sang coulant du corps des femmes, sang qu’elles n’en meurent (oui, oui, la blague est voulue!) qu’il serait préférable de taire, mais ce n’est pas le cas chez tous les peuples. Plusieurs peuples des premières nations ont conservé jusqu’à tout récemment cette pratique connue sous le nom de Moon Lodge.

Devant l’inévitable oubli que cette coutume a connu, comment les Tentes rouges ont-elles connu ce regain de popularité pour devenir présentes dans plusieurs villes partout dans le monde (et ici, donc, à Saint-Jean-sur-Richelieu)?

Le film de Dr Isadora Gabrielle Leindenfrost, The Things we don’t talk about, nous donne un excellent aperçu comment ce mouvement a connu son regain. On peut identifier trois principales causes de ce regain, le premier un effet direct de l’accession aux études supérieures par les femmes au tournant des années 1950, incluant les domaines de l’archéologie et de l’anthropologie. Leur sexe leur a permis d’avoir accès aux Tentes rouges, d’y être incluses et y prendre part, tandis que tous les chercheurs masculins se sont vu refuser l’entrée, et ont simplement une description de ce qui s’y passait tout en interprétant ce phénomène avec leur propre préjugés entourant les menstruations.

Parallèlement à cette mouvance académique se dessinait aussi une mouvance spirituelle avec l’apparition (ou la redécouverte) d’une spiritualité associée à la Déesse, au Féminin sacré qui ont mené, naturellement, à la création de nouveaux lieux de rencontre ou de célébrations réflétant leurs vécus (menstruation, fausses couches, grossesses et ménopause ne sont que quelques exemples), en plus d’entreprendre un nouveau dialogue sur les menstruations.

Depuis, le mouvement a grandi, s’est répandu et s’est développé mais il faut attendre la publication du roman d’Anita Diamant (lien affiliée • les libraires), The Red Tent, en 1993 pour que le mouvement explose (traduit en français sous La Fille de Jacob, le nom changera pour La Tente rouge lors d’une réédition subséquente). Au cours de ce roman, nous suivons les aventures de Dinah, seule fille de Jacob au fil de sa vie, avec en arrière fond les partages et la vie des femmes de la tribu de Jacob dans la Tente rouge. Une multitude de femmes, après avoir lu ce livre, ont ressenti le désir d’avoir, elles aussi, un espace comme celui du livre où l’on peut se reposer, partager et célébrer le quotidien des femmes.

Depuis leur essor, les Tentes rouges connaissent une multitude de variantes : certaines tentes ont lieu en même temps que certaines phases de la lune, d’autres aux équinoxes et changements de saisons, d’autres à tous les mois et ouvertes à toutes tandis qu’un autre groupe offrira des activités liées à la périnatalité. Chose certaine, chaque communauté donnera sa propre couleur à «sa» Tente mais toutes partagent le même but, offrir un espace pour les femmes où elles peuvent se retrouver et célébrer. C’est ainsi que les Tentes rouges deviennent, pour les femmes, un espace sécuritaire où partager leurs vécus soit autour d’un thème particulier, du quotidien, ou simplement être vues et entendues lors de moments de parole.

La pertinence des Tentes rouges aujourd’hui

Voilà une question difficile à répondre, n’est-ce pas? Les femmes peuvent faire et dire ce qu’elles veulent, sans aucune représaille, n’est-ce pas? Ne sont-elles pas encore les responsables, dans 70% des cas, des tâches domestiques après le travail? C’est normal, non? Elles sont naturellement bonnes pour les soins et la gestion! Bien sûre les femmes doivent être jolies, c’est naturel, non? Non.

Non, ce n’est pas naturel non plus d’être la seule responsable de tout. Outre le fait qu’il est facile de tomber dans les débats de genre, classe et pourquoi le féminisme n’est plus nécessaire, les Tentes rouges le sont encore, elles, pour toutes les raisons déjà mentionnées et bien d’autres.

Une autre de ces raisons est le support et soutien émotionnel que les Tentes rouges offrent aux participantes. Chaque femme s’y sent soutenue, tant par le non-jugement pratiqué que parce que ses expériences trouvent écho chez quelqu’un d’autre. Lorsque l’on retourne à nos vies après une Tente, c’est le cœur léger que l’on retourne à nos obligations, en sachant que l’on retrouvera ce soutien émotionnel le mois prochain, que nous ne sommes pas seules. C’est aussi le soulagement de constater que finalement, on n’est pas seules à vivre cette situation.

Les Tentes rouges trouvent toutes leur pertinence dans le fait qu’elles créent des communautés, un sentiment d’appartenance. Je suis une femme, j’appartiens à la Tente rouge… Et c’est tout naturellement que les femmes s’offrent un soutien, même en dehors de la Tente.

Un autre point important des Tentes rouges est qu’il permet une transmission des savoirs à travers les générations. Lorsque les Tentes rouges étaient aussi courantes qu’à l’époque de Dinah, fille de Jacob, on y enseignait ce qu’est être femme, comment prendre soin de ses enfants en plus de permettre de faire l’éducation sexuelle des jeunes femmes. Aujourd’hui, les Tentes permettent encore une transmission des savoirs, parce qu’elles sont multigénérationnelles.